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Entretien avec R.P. Antoine Kerhuel S.J.

mercredi 7 décembre 2005

Sur le site 123 Travail

Entretien avec R.P. Antoine Kerhuel S.J.

Sous le nom "doctrine sociale de l’Eglise" (DSE), on désigne habituellement, dans l’Eglise catholique, un ensemble de documents abordant des questions économiques, sociales et politiques : la propriété, le travail, les partis politiques, l’écologie, les rapports Nord-Sud, etc. Ces textes sont écrits par les papes, le Concile Vatican II et les évêques.

R.P Antoine Kerhuel s.j en réponse aux questions d’un étudiant de l’IPC

Pourquoi l’Eglise parle-t-elle de ces sujets ?
La tradition chrétienne ne sépare pas l’expérience spirituelle de la vie ordinaire car elle veut prendre au sérieux la dynamique de "l’incarnation" (c’est-à-dire le fait que, en Jésus, Dieu s’est fait homme). Génération après génération, on voit des chrétiens, attentifs à la façon dont est organisée la vie en société, s’impliquer résolument dans la vie économique, sociale et politique. Leur expérience de foi nourrit leur engagement et leur engagement nourrit leur démarche de foi. Si l’Eglise parle des questions économiques, sociales et politiques, c’est bien parce que des chrétiens sont présents à ces enjeux. La DSE n’est pas une prise de parole déconnectée des pratiques dans lesquelles les chrétiens sont engagés.

De quoi s’agit-il ?
Non pas d’un programme, mais de repères d’ordre éthique.
La DSE n’est pas un programme d’action dans le domaine économique, social ou politique. "L’Eglise n’a pas de modèle à proposer", rappelle ainsi Jean-Paul II dans l’encyclique Centesimus Annus (1991, § 43). Ceux qui souhaiteraient disposer d’un plan d’action à décalquer sur les réalités économiques, sociales et politiques de leur temps seront déçus. Personne ne peut prétendre récupérer l’Eglise comme caution de ses positions économiques, sociales et politiques.
Le plan sur lequel se situe la DSE est autre : c’est celui de la morale sociale. L’Eglise catholique propose, dans sa doctrine sociale, une orientation fondamentale et des points de repère pour l’action.
L’orientation fondamentale est la "dignité de la personne humaine". Depuis 1891 (date de la première encyclique sociale), ce thème a été conjugué en fonction des urgences du moment : le syndicalisme, le "juste salaire", le développement, etc. Mais c’est toujours la même ligne de fond qui est rappelée. On lit ainsi, dans le document Gaudium et Spes voté au Concile Vatican II en 1965 : "Dans la vie économico-sociale (...), il faut honorer et promouvoir la dignité de la personne humaine, sa vocation intégrale et le bien de toute la société. C’est l’homme en effet qui est l’auteur, le centre et le but de toute la vie économico-sociale." (§ 63,1)
Parmi les grands points de repère de cette pensée sociale, on peut distinguer :
- le principe de solidarité, selon lequel chacun doit contribuer au bien commun de la société,
- et le principe de subsidiarité selon lequel ni l’Etat, ni la société ne doivent se substituer à l’initiative et à la responsabilité des personnes ou des groupes de personnes, au niveau où elles peuvent agir.
De ce fait, on peut dire que l’enseignement social de l’Eglise invite à rejeter les différentes formes de collectivisme, mais aussi l’individualisme social et politique.

Antoine KERHUEL sj (akerhuel@compuserve.com) alors Directeur du Ceras->http://www.jesuites.com/ceras/