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Presses de la Renaissance, 2004 (247 pages, 18 €)
Pour relever les défis du monde moderne
L’enseignement social de l’Eglise par Michel Schooyans
vendredi 9 décembre 2005
Mgr Michel Schooyans, professeur émérite de l’université de Louvain, spécialiste de la philosophie politique et des idéologies contemporaines, est membre de l’Académie pontificale des Sciences sociales et de trois autres académies pontificales, du Population Research Institute (Washington), de l’Advisory Board du Platter College (Oxford) et de l’Institut de démographie politique (Paris). Il est également l’auteur d’une vingtaine d’ouvrages traduits en plusieurs langues, dont La Face cachée de l’ONU (Fayard, 2000)
Pour relever les défis du monde moderne :L’enseignement social de l’Eglise Ouvrage édité aux presses de la Renaissance
C’est en 1891, dans l’encyclique Rerum Novarum, qu’un pape s’exprimait pour la première fois sur la question sociale, marquant ainsi le début d’une réflexion élaborée de l’Église, centrée sur la justice, la paix, la solidarité. Cent ans plus tard, Jean-Paul II déclarait que « l’enseignement et la diffusion de la doctrine sociale de l’Église [...] est une partie essentielle du message chrétien ».
Cet ouvrage est une initiation à cet enseignement. Michel Schooyans en fait le bilan et désigne les problèmes sociaux qui conditionnent notre époque - chômage, délocalisation des entreprises, ascendant pris par le pouvoir économique sur la politique, mais aussi corruption, violence, terrorisme -, ainsi que les nouveaux défis qu’il nous faut surmonter - marchandisation de la santé et du savoir, biotechnologies, vieillissement des populations, etc.
L’auteur comble un véritable manque en nous offrant cette approche accessible et globale de l’enseignement social de l’Église. Grâce à une documentation exhaustive, il fait en outre la preuve que, dans tous les secteurs de l’activité humaine, l’Église apporte une parole d’espérance réaliste.
Préface
En présentant une vue d’ensemble de l’enseignement social de l’Église catholique, Mgr Schooyans satisfait à une demande d’autant plus pressante que la pensée inspiratrice de cet enseignement s’est inscrite dans l’Histoire : il s’est constitué par étapes selon un processus de sédimentation. Il était donc éminemment souhaitable d’en proposer une exposition méthodique et raisonnée.
Cet enseignement sur la société est un fait relativement nouveau dans l’histoire de l’Église : il n’a guère plus d’un siècle d’existence. Le moment où cette pensée s’est exprimée pour la première fois peut être daté avec la plus grande précision : c’est la publication, le 15 mai 1891, par Léon XIII de l’encyclique Rerum novarum. Avec elle le pape introduit un nouveau type de document du Magistère, en même temps qu’il inaugure une forme originale d’enseignement. Les textes de ses prédécesseurs concernaient la vie de l’Église, fixaient des points de doctrine ou fulminaient des condamnations contre des systèmes philosophiques dont ils estimaient qu’ils mettaient en péril la foi des fidèles. S’ils se trouvaient toucher à des problèmes de société, ce n’était jamais qu’incidemment. Au contraire, Rerum novarum est tout entière consacrée à l’un de ces problèmes, à ce qu’on appelle alors la question sociale, c’est-à-dire la condition faite aux ouvriers des usines et manufactures par la première révolution industrielle découverte par les pionniers du catholicisme social, et, plus généralement, aux rapports entre les classes et notamment aux relations entre le capital et le travail. Loin de rester l’initiative isolée d’un pontife, ce texte aura une postérité : décennie après décennie, les successeurs de Léon XIII publieront à leur tour des encycliques sociales qui commémoreront l’anniversaire de ce texte fondateur - Quadragesimo anno en 1931, Mater et magistra en 1961, Centesimus annus en 1991 - et prolongeront la réflexion engagée en 1891.
Cet enseignement élargira d’un mouvement continu le champ de ses interventions à l’ensemble des problèmes de société, à l’initiative des papes pontificat, après pontificat et en réponse aux questions suscitées par l’évolution du monde. Ainsi, avec Pie XI, la pensée de l’Église s’intéresse aux relations entre les peuples et édifie un enseignement sur la construction d’un ordre international qui substituerait des relations réglées par le droit aux traditionnels rapports de force. Jean XXIII prolongera cette réflexion avec Pacem in terris et Paul VI, en proclamant que le développement est l’autre nom de la paix et en préconisant la réduction des inégalités entre les peuples, achèvera d’unifier la pensée de l’Église sur la société et d’en faire un ensemble cohérent.
Si, depuis plus d’un siècle, tous les papes ont ainsi manifesté la continuité de l’intérêt de l’Église pour les problèmes de société - chacun imprimant sa marque personnelle sur cet enseignement -, celui-ci est bien l’œuvre et l’expression de l’Église tout entière. Vatican II a ouvert des directions nouvelles et mis le sceau du Concile sur ces orientations. Les Conférences épiscopales ont apporté leur contribution ainsi que des organismes de l’Église universelle comme la Commission pontificale Justice et paix dont certains documents ont marqué des avancées appréciables de la réflexion. Les initiatives de laïcs, les idées énoncées, les expériences tentées par le peuple chrétien ont nourri et préparé l’élaboration des documents du Magistère.
Si les sujets évoqués par ces textes sont aussi divers que les problèmes que connaît la société, les documents qui les traitent procèdent d’une préoccupation commune et se référent aux mêmes fondements. À l’encontre de certaines philosophies politiques, l’Église catholique professe qu’aucune activité collective de l’homme n’échappe complètement au jugement de la conscience morale : en conséquence aucune question ne peut recevoir de solution définitive pour des considérations exclusives d’opportunité ou d’efficacité, raison d’État ou loi du marché. C’est ce postulat qui justifie les réserves ou les condamnations portées contre certains systèmes de pensée. C’est comme instance morale que le Magistère se juge qualifié pour énoncer les principes qui doivent régir le comportement des hommes en société et les décisions des pouvoirs publics. De la Révélation, l’Église déduit une certaine idée de l’homme qui inspire sa réflexion. Elle se réfère aussi à la connaissance de la nature humaine qu’elle retient de sa longue expérience ; c’est ce que signifiait la belle expression employée par Paul VI pour définir la spécificité de son intervention dans le champ politique : « experte en humanité ». Pour ces motifs, elle a le devoir de prononcer une parole sur toute question qui comporte une dimension d’ordre éthique.
Cette pensée est donc sollicitée en permanence par les questions qui surgissent inopinément du fait des inventions de l’homme et des développements de l’histoire. Ce n’est pas une pensée figée, ni un système clos. Elle trouve dans ses références le principe d’un dynamisme qui lui permet de s’adapter à la nouveauté des problèmes. On l’observe présentement à propos de la guerre ou de la peine de mort : sur ces deux questions, le Magistère a révisé sa position. Cette pensée élabore des idées nouvelles, telle la notion féconde avancée par Jean-Paul II dans Centesimus annus, de structures collectives de péché.
Pour présenter cette vue d’ensemble, en montrer toute la richesse de cette pensée, Mgr Schooyans, qui en a assuré l’enseignement à l’Université de Louvain et que le Saint-Père a désigné pour faire partie de la nouvelle Académie des Sciences sociales, était particulièrement qualifié.
René Rémond