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Entretien avec P. Michaël Ryan LC
mercredi 7 décembre 2005
R.P Michael Ryan L.C en réponse aux questions d’un étudiant de L’IPC
La doctrine sociale de l’Eglise à quoi ça sert ?
L’Eglise essaie de faire connaître à ses fidèles non seulement ce qui est bon et correct dans la vie sociale mais aussi de nous rendre bons envers nos semblables. Comme on voit, c’est un but pratique et personnel qui dépasse les théories abstraites.
Dans cette doctrine, je peux trouver, moi, comment je dois agir d’une façon responsable et cohérente. Il ne s’agit pas de théorèmes mathématiques grâce auxquels un ordinateur peut m’apporter la réponse instantanée à tous mes problèmes. Au contraire, il faut une grande prudence unie à beaucoup de réflexion et une étude approfondie. Cependant, cette doctrine nous aidera à développer la finesse de nos réponses aux problèmes sociaux, à mûrir nos convictions personnelles et à former notre propre capacité de jugement sur cette réalité complexe.
Par ailleurs, la doctrine sociale de l’Eglise et spécialement la voix du Pape, constituent un appel et comme un défi lancé aux grandes institutions politiques, économiques et techniques pour leur inspirer un chemin plus équitable, plus juste, plus humain.
Ces textes sont-ils périmés ?
Aussi périmés que l’aspiration à une meilleure vie sociale. Pendant un vingtième siècle où la pauvreté est restée présente et où les guerres se sont poursuivies sans arrêt, Ghandhi affirmait que le vrai problème de la nutrition, c’était celui de l’égoïsme. En ce sens, la voix du Pape Jean Paul II nous fait découvrir la racine du mal social dans le péché et non dans les techniques économiques. La réponse correcte se trouvera donc dans la conversion personnelle.
Que veut dire cela aujourd’hui ?
C’est ce que cherche la doctrine sociale. Elle s’est développée au cours de ce siècle entre le libéralisme et le communisme. Elle doit maintenant répondre à de nouvelles questions telles que la globalisation, les tendances au relativisme ou à l’hédonisme, entre autres. Elle se trouve ainsi en dialogue permanent avec la culture.
L’Eglise est-elle compétente pour traiter ce sujet ?
Demandons-nous tout simplement quelle est sa mission. Certes, il ne s’agit pas de questions d’ordre politique, économique ou sociale mais bien religieuses. Quelle relation existe-t-il donc entre ces différents problèmes ? C’est bien de la religion que surgissent les autres devoirs. En effet, il s’agit de construire la communauté humaine selon la loi divine. Chaque homme doit répondre à l’appel de Dieu dans sa vie quotidienne selon son propre état. Qui est citoyen, ouvrier, patron ou financier ou autre doit en tant que chrétien assumer ses différentes responsabilités.
Quelle est sa partie spécifique, pourrions-nous nous demander, étant donné qu’en tant qu’éthique ou loi naturelle, le problème appartient plutôt à la philosophie qu’au domaine de la foi ? N’oublions pas l’influence que le milieu, la forme de la société influence d’une manière importante le comportement des personnes et cela semble assez évident, sans être déterministe pour autant. L’Eglise devra donc s’occuper de la dimension morale de la loi naturelle et ainsi l’annoncer, l’interpréter et l’appliquer aux différentes circonstances de la vie.
Cela change-t-il quelque chose dans votre agir social, dans votre travail ?
Outre le fait de devoir donner des cours sur cette matière, la doctrine sociale rend la vie plus humaine et en éclaire de nombreux aspects. Vivre la politesse ou le respect de l’autre à cause de la dignité de la personne permet d’apprécier, de goûter sa présence. La morale ne se réduit plus à des règles externes mais devient une série de valeurs que je peux trouver et choisir au long de la journée.
En conséquence, les relations s’enrichissent et il n’est plus possible de prendre une décision qui implique une autre personne, sans veiller à ne pas la léser. Les intérêts économiques ou personnels ne sont plus les seules valeurs en jeu. La richesse des relations interpersonnels ne se limite plus à la sphère matérielle mais parvient aussi aux valeurs spirituelles. L’amitié, le pardon, le respect, la compréhension, la justice par dessus mon intérêt direct pénètrent ainsi d’humanité toute la vie sociale.
P. Michael Ryan, L.C. Doyen de la faculté de philosophie de l’Athénée Pontificale Regina Apostolorum et professeur de doctrine sociale de l’Eglise